Marie Bagi vous présente,
Espace Artistes Femmes : Rose-Marie Berger ®
est une association et un espace artistique - itinérant et permanent - d’un nouveau genre qui veut mettre à l’honneur les femmes dans le monde de l'art. En raison de notre emplacement permanent et de notre focus sur les artistes femmes, nous sommes la seule association de ce type au monde, concept novateur, qui contribue à la visibilité des artistes femmes au niveau national et international grâce à à des conférences, des ateliers et des visites guidées réalisés au moyen de leurs oeuvres et dans lesquelles le concept de "l'intime" - c’est-à-dire, le lien existant entre leur vie et leurs œuvres et la manière dont la société peut les impacter - est central.
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Il est dédié à Rose-Marie Berger (1922-2019)- plus connue pour avoir été l'épouse du grand historien de l'art, philosophe et ancien directeur-conservateur du Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne, René Berger (1915-2009). Elle était une artiste de talent, comme beaucoup d'artistes femmes avant elle et aujourd'hui, dont le travail n'est, jusqu'alors, pas mis en lumière dans les musées ou encore dans les galeries.
"On ne devient pas artiste: on naît artiste." © Marie Bagi, présidente et fondatrice
*** Lumière sur une artiste ***
"Artiste plasticienne"
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Aujourd’hui je vous présente l’artiste Catherine Fauconnet-Schaffter qui m’a chaleureusement accueillie dans son atelier – un charmant petit cabanon de jardin – à Froideville, Vaud. Autour d’un café et d’excellentes pâtisseries venues de France, Catherine me raconte ce qui l’anime lorsqu’elle crée, son parcours, son enfance à l’origine de son art et comment ce dernier lui sauve la mise au quotidien. Rencontre.
Catherine est née à Moutier, Jura, et a vécu entre Courtételle, Delémont, Lausanne, Genève et la France. Mariée, elle est mère de trois enfants dont deux qu’elle a eu durant ses études aux Beaux-Arts. Dédiée à ses enfants, elle l’est tout autant à son art. Son inspiration artistique lui vient, entre autres, de Niki de Saint-Phalle (1930-2002) – elles portent toutes deux le même prénom, d’ailleurs – et ajoute que cela lui est venu
Sa vie, me dit-elle, se partage entre art et social. Elle a tout d’abord commencé sa formation à Bâle à l’âge de vingt-deux ans en faisant un cours préparatoire aux Beaux-Arts. Entre deux, elle fait une école sociale et une formation d’animatrice d’atelier d’expression. Puis, enfin, à trente ans, elle réalise les Beaux-Arts de Genève. Elle me dit qu’elle a mis six ans pour les faire, entre deux accouchements, car elle est déterminée et qu’elle a pris cela plutôt comme un jeu. Aux Beaux-Arts, elle était en recherche constante de trouver sa place et avait ce besoin d’être en contact avec l’autre. Elle a donc notamment travaillé sur un projet avec une femme d’origine rom qu’elle a photographiée après lui avoir mis à disposition sa douche et des vêtements pour le shooting., une riche expérience de vie, me dit-elle. C’est un moyen d’amener du sens à sa vie ce rapport à l’autre. Ce besoin lui vient probablement de son enfance où joie de vivre. Légèreté et contacts lui ont parfois fait défaut au sein de sa famille. Enfant, elle aimait se raconter des histoires dont elle a conservé certaines traces grâce à ses dessins. C’est sa mère, possédant une grande affinité avec l’art, qui lui donna ses premiers feutres et l’encouragea. C’est un médium qu’elle utilise très souvent sauf aux Beaux-Arts où elle dut les troquer avec la sculpture. C’était une école exigeante mais qui a fait grandir sa soif de recherches. En effet, Catherine se dit obstinée à la recherche mais aussi à la découverte. Confrontée régulièrement à sa solitude, le besoin d’aller vers l’autre est devenu une nécessité. Les valeurs familiales de partage et de respect l’ont amenées vers la solidarité et à combattre sa peur intrinsèque vide. Celle-ci, me dit-elle, est comblée par sa peinture et ce, toujours avec de la joie et des couleurs car elle souhaite rester dans une sphère positive. Ce que parfois le public peut voir comme un trop plein est, en réalité, un exutoire pour Catherine. Chez elle, c’est toujours rempli de monde ses amis ou ceux de ses enfants. Elle veut faire l’inverse de ce qu’elle a vécu lorsqu’elle était enfant. Elle ajoute qu’elle a une sœur avec laquelle elle a grandi pendant huit ans et dont elle est très proche. La peinture abstraite lui est venue à trente-neuf ans lorsqu’elle s’est rendue compte qu’elle était frustrée de ne pas réussir à saisir un visage comme elle le voulait. A l’Atelier 6, elle s’est alors lancée dans l’abstrait avec beaucoup de couleurs en lien avec les émotions du moment.
De ses toiles, Catherine varie les plaisirs entre le grand format vers le petit format. Lorsque nous regardons ses œuvres, nous remarquons beaucoup de couleurs qui dialoguent les unes avec les autres à l’intérieur de petits ronds que certains appellent « Les Galettes » ou « Bijoux » selon Krista Gerwing, autre artiste du Aquatre Collectif. Catherine, elle, les voit plutôt comme des camés ou des billes provenant de l’enfance qui vont apporter de la joie avec, cependant, un léger côté obsessionnel et répétitif, me dit-elle en riant. Elle ajoute que c’est devenu un geste automatique qu’elle adore exécuter accompagné de l’écoute de podcasts. Elle continue en disant qu’elle laisse une grande place à l’exubérance et à la spontanéité dans sa création. L’organisation ne possède alors que très peu de place. Elle trouve un cadre épanouissant à ses cours de gravures – les mêmes qu’Iris Dwir-Goldberg et Sylvie Loeb – où elle favorise une création Art Brut, malgré elle, me dit-elle.
Une dualité existe dans ses toiles entre le fonds noir et les couleurs presque fluorescentes de ses galettes. Ce fonds noir est comme une structure qui articule les couleurs entre elles. Catherine aime profondément les contrastes même dans la vie et n’est pas à la recherche d’une signification pour tout. En peinture, elle fait ce qui lui vient car elle n’aime pas la contrainte à formuler un discours sur son travail. Et ce, sans doute car elle se sent multiple dans ses émotions. Elle est ouverte mais se préserve tout de même en fonctionnant beaucoup avec la résilience ; se construire sans cesse et tenter de s’accepter chaque jour – propos qu’elle tient du philosophe Alexandre Jollien. Très volontaire et active, elle ne lâche jamais ce qu’elle entreprend et cela lui vient d’une envie de revanche sur la vie, d’une envie incroyable d’exister, de vivre. Exister en tant que femme mais aussi en tant qu’artiste. Un révélateur sur sa vie mais aussi sur celles des autres car chacun, me dit-elle, se projette d’après son propre vécu. C’est ce qu’elle fait dans sa peinture. Être artiste, continue-t-elle, cela part d’une faille, d’un manque mais aussi du plaisir de créer à partir de cette blessure pour générer quelque chose de beau, de joyeux afin de transformer ce qui était.
Sa technique varie entre modeling paste et la gravure mais cette dernière est plus difficile à respecter au niveau des codes des monotypes. C’est pour cela qu’elle va ajouter des perles ou autres accessoires afin de décloisonner l’œuvre-gravure. Ainsi, elle réalise ce qui lui plaît vraiment et continue sa recherche artistique. Ce que je constate, c’est qu’il y a du mouvement dans ses œuvres. Elle me répond qu’elle a appris à créer dans la même veine, que cela lui vient des Beaux-Arts donc il est possible que le mouvement soit ce qu’elle répète dans ses œuvres malgré elle.
La rencontre, la recherche, les secrets de famille, le partage ainsi que la résilience et la richesse de la vie viennent bercer sa création et l’animent au quotidien. Cela n’est pas facile de s’exprimer sur certains points mais Catherine a trouvé le moyen de ne rien laisser derrière elle grâce à l’effet thérapeutique que peut procurer l’art et ainsi, partager son jardin secret avec le public, une chance pour connaître son art.
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Auteure : Marie Bagi, docteure en Histoire de l’art contemporain et Philosophie
Publié le 20 septembre 2021
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